Christophe Mourthé – Ze interview

Mais où j’ai foutu ce putain de révélateur ?

Interview, photo & rock’n’roll, by Eric LaGuarda

 

L’invité du mois qui n’a pas su dire non

Christophe Mourthé, 56 ans, photographe et réalisateur professionnel à Paris.

Dita Von Teese - Oscar Wilde Official

Dita Von Teese – Oscar Wilde Officiel

Mais c’est qui, lui, déjà ?

Dans la France des années 80, le fetish sort de l’ombre et s’invite dans les médias, qu’il ne quittera plus depuis. Les instigateurs ? Robert Chouraqui et Christophe Mourthé.

La signature de Christophe Mourthé, c’est un univers photographique fort, fort en lumières, fort en couleurs, d’où surgissent des égéries sublimes. Vous connaissez Dita von Teese ? Alors vous connaissez forcément le travail de Christophe. Publications, éditions, expositions, ses travaux ont fait le tour du Monde.

Wé, putain, j’interviewe un vrai monsieur !!!

 

« Pourquoi lui ? », mes trois raisons

Christophe Mourthé et sa muse préfère, Zdenka

Christophe Mourthé et sa muse préférée, Zdenka

  1. Parce que le fetish et son imagerie me suivent depuis plusieurs décennies déjà. Et que les photos de Marlène, Dita von Teese, Julia Channel, Zdenka Novotna pour ne citer qu’elles, tous ces clichés de Christophe Mourthé vus dans les magazines de l’époque, sont autant d’îles qui peuplent les archipels de mon univers artistique.
  2. Parce que mes références artistiques sont à 98,5% composées de gens déjà décédés. Donc j’essaye de profiter au maximum des 1,5% qui s’accrochent à la vie.
  3. Parce que j’ai croisé Christophe sur des forums et des réseaux sociaux, et que j’ai apprécié sa sincérité et sa simplicité. Comme j’apprécie de le voir continuer à s’insurger contre les abus et les travers de cette société irresponsabilisante à l’extrême, alors qu’il pourrait juste se la péter tranquille en sirotant une coupe de champagne rosé.

Je sais, « irresponsabilisant » est un mot qui n’existe pas, mais je ponds du néologisme au kilomètre ces temps-ci. Pour ceux qui ont déjà mal au crâne avec tous ces mots compliqués, je conseille le Larousse en ligne. Rajoutez un ou deux Doliprane quand même, ca sera plus sur…

 

Bon, elle commence quand ton interview, Général LaGuarda ?

OK, la foule s’impatiente… Bonjour et merci Christophe de contribuer à améliorer la qualité de ce blog à peine naissant. 

 

Nous allons donc débuter par un petit inventaire à la con à la Prévert


Quelle est ta couleur préférée ?

L’Orange et le Noir (et non le Rouge et le Noir )… Ce n’est pas Stendal, c ‘est l’équipe de Hollande menée par Johan Cruijff en Allemagne pour le mondial 1974. Les nouvelles libertés de ma vie à 15 ans, les virées en Hollande à courir les blondes et accessoirement quelques ballons…

Ton plat et ton alcool préférés ?

Le foie gras accompagné d’un Sauternes frais à souhait. Je n’ai même pas honte. J’irai même en manger accad59cvteldcompagné d’une blonde en fourrure et bas couture…

Ta voiture préférée ?

La Cadillac Eldorado 1959. Elle est presque fuselée comme une Femme…Rouge de préférence, comme un rouge à lèvres, comme ses ailerons à l’arrière.

Ton groupe de musique préféré ?

J’ai été bercé par les frères Mael, qui formaient le groupe des Sparks dans les 70’s. « This Town Ain’t Big Enough for Both of Us », paru en 1974 sur l’album Kimono My House… encore l’année 1974…

Après, je jetterais mon dévolu sur Debby Harry, plus féminine, et le groupe Blondie

Puis aussi Abba ( deux fois plus féminines avec Frida et Agnetha )… Tes questions me torturent par les choix que je dois faire…

La partie du corps de la femme que tu préfères ? (c’est quand même un beau métier, interviewer)

Le bas du dos d’une femme, le fameux triangle, les salières de Vénus sont des empreintes dans le bas du dos que beaucoup de gens, surtout moi en fait, considèrent être un signe de beauté.

 

Nous allons ensuite passer à la photo. Je sais, je sais, c’est très conventionnel, mais soumission et conformité sont les mamelles de la France, il paraît…


 Comment es-tu tombé dans la photo ? Déclic ? Hasard ? Gêne familial ?

J’ai renoncé au foot, poussé par mes parents, pour faire un métier sérieux. On m’a offert un appareil photo et je me suis mis à photographier ma petite amie Brigitte, ma première muse.

Les Casanovas, l'illustration des salières de Vénus

Les Casanovas (avec l’illustration des salières de Vénus)

Quel a été ton premier appareil photo professionnel ?

Un Contax acheté avec l’aide d’un peu de sous donnés par mes grands parents. Optiques Zeiss, le must. Sans cela je n’aurais pas pu travailler en lumières basses surtout pour mes « Casanovas » créés en 1983 à Venise.

Tu étais jeune, insouciant, tu fréquentais le Palace… quel est le photographe qui t’a le plus marqué de cette époque ?

Brigitte, ma compagne et première muse, travaillait à la fameuse Galerie Zabrisky dans les Halles. Nous sortions au Palace entre 78 et 83 et dans la journée je trainais dans la galerie.

Guy Bourdin, Helmut Newton étaient mes favoris. Mais aussi de grands metteurs en scène du cinéma comme Fellini, Kubrick ou Comencini. J’étais insouciant mais avide d’apprendre en regardant leurs œuvres.

Le Palace m’a amené le coté nocturne et érotique, décalé et décadent comme ceux que j’ai croisé au Palace. Les Pierre et Gilles, Chantal Thomass, Thierry Mugler, Ardisson, Houellebecq. « Nous avons fait de notre vie une œuvre d’Art » dira un ancien de cette époque.

Renaud 2016 J'ai embrassé un flic

Renaud 2016
J’ai embrassé un flic

Et quel est celui qui te marque le plus, maintenant ?

J’avoue que c’est compliqué. Ce métier a changé et s’est banalisé. Tout le monde fait des photos comme on met un jean. Des photos insipides inondent la toile, ne font frémir personne et ne veulent rien dire.

Je ne peux faire une photo sans y mettre des sentiments. Ma vie est dans mes images. C’est peut être ridicule mais c’est ainsi.

Claude François chantait sa vie et il aura fallu 40 ans pour que l’on s’aperçoive qu’il avait un discours.

C’est parce que Renaud s ‘est arrêté de boire que les français se sont aperçus qu’il était indispensable à la chanson française. Il l’était dès le début de sa carrière en devenant un poète éternel, chantant notre nostalgie tout en se battant pour défendre des idées justes. Il est le dernier des géants dignes de ce nom.

Je ne supporte plus tous les photographes imposteurs qui ne respectent rien, travaillent à côté pour financer leurs photos car ils n’assument pas d’en vivre, ou car ils n’y arrivent pas tout simplement. Sans parler des égos…

En fait, je ne suis pas marqué par grand monde de nos jours.

Si tu devais changer quelque chose dans ton chemin de vie, au volant de ta De Lorean, que changerais-tu ?

Je ne change rien, j’ai été gâté par la vie et par mes rencontres. Et cela est tout le problème. Je dois continuer de penser à mon prochain shoot. Celui qui va me gâter encore plus qu’avant. Et ca, c’est pas facile.

 

Ensuite, une pincée de célébrités, histoire de remonter l’audience… 


Comment définis-tu ta relation avec tes modèles ?

Ma relation avec mes modèles est une relation intime et de confiance. Je revois la majorité de mes grandes muses, toujours et j ai une relation d’amitié réelle avec toutes. Je continue de les aimer et j y suis très attaché… Entre Amour, gloire et beauté.

Je vais te parler de Dita von Teese et de Mylène Farmer… Y a-t-il une autre des filles qui ont croisé ton objectif que tu souhaiterais que j’évoque ? Pourquoi ?

 Les Femmes de ma vie m’ont aidés à créer mon Art.

Brigitte m’a éduqué alors que je ne connaissais rien en art Photographique.

Puis, Mylène a été déterminante dans la confiance accordée, puis Marlène et notre passion fétish. Ensuite, Julia Channel fut importante aussi.

Zdenka

Zdenka, la muse de ma vie…

Mais c’est Zdenka, depuis 1999, qui fut surement la plus proche de moi en tant que Femme, Modèle, Muse, et dans sa façon d’exprimer mon Art au travers de son charisme et de sa beauté.ELLE A MA PRÉFÉRENCE.

Dita Von Teese aimait mon style parisien glamour teinté d’humour fétish. Je l’ai shootée en Janvier pour sa venue au Crazy Horse dont je suis à l’origine, il y a 10 ans.

 

Parlons un peu de Dita von Teese, comment la résumerais-tu en un mot ou une phrase courte ?

Une Femme dans un bas de soie.

Comment en êtes-vous arrivé à travailler ensemble, Dita et toi ?

En 1998 , je reçois un fax d’une américaine qui faisait du strip et qui, connaissant mon travail, voulait venir à Paris pour faire des photos avec moi. Je lui ai booké un hôtel 3 jours et nous avons eu un coup de foudre artistique.

Dita Von Teese La tombe d'Oscar Wilde

Dita Von Teese – La tombe d’Oscar Wilde

Et pourtant, elle était brune… donc elle n’avait pas trop le profil du poste pour me plaire. Elle est revenue encore et encore et nous sommes devenus complémentaires dans l’Art de la représentation de la Femme.

Une anecdote croustillante/rigolote/inédite avec Dita (dans la mesure où ca ne te vaut pas un procès retentissant) ?

Je n’ai pas eu beaucoup de procès, seule Clara Morgane a oublié tout ce que j’ ai fait pour elle et m’a sabré par un procès (malgré les contrats qui existaient).

Pour l’anecdote, je dirais la photo du baiser sur la tombe de Victor Noir au cimetière du père Lachaise. J’ai déjeuné en tête à tête avec Dita à la Closerie des Lilas. Nous avions un peu bu. J’ai décidé de l’emmener sur cette tombe célèbre et de découvrir celle d’Oscar Wilde.

Nous nous sommes un peu lâché et nous avons fait des images devenues «  cultes » paraît il… Amen.

Mylene Farmer

Mylene Farmer

Quel est le trait de caractère de Mylène Farmer qui t’a le plus marqué ?

L ‘histoire de Mylène est très spéciale pour moi. Elle n’a pas un talent ordinaire, elle est spéciale et comme je le suis aussi, nous nous sommes trouvés.

Je dirais que nous partageons la même fragilité.

Lio

Lio

Quel est la photo ou la séance qui t’a donné le plus de mal ?

Lio, la brune qui ne compte pas pour des prunes : 3 jours avec elle, un enfer. Mais elle est magique devant l’objectif. En fin de séance, elle m’a embrassé et m’a dit « je suis chiante, je sais, mais après moi, tu peux tout faire… » Nous avons fait des images sublimes.

Une anecdote croustillante / rigolote / inédite (dans la mesure où ca ne te vaut pas un autre procès retentissant) ?

La présence d’un dealer sur le shoot de Lio…

 

Bon, on va parler un peu de technique et de créativité (il paraît que c’est le sujet principal du blog)…


Je me souviens d’un de tes coups de gueule sur la retouche des photos… Quelque chose a changé, depuis ?

J’ai beau faire des coups de gueule, les gens ne comprennent pas que c’est la lumière qui compose 90 % d’une photo (selon Fellini). Pas besoin de retouche si tu sais éclairer.

Et comme les nouvelles générations ne savent pas faire une lumière… Ce sont des photo-graphistes. Donc, je ne les blâme pas, nous ne boxons pas dans la même catégorie. C’est tout.

On me traite de légende ou de dernier de Mohicans. Je m’en fous. Cela me fait plaisir.

Marlene

Marlene

Mais en aucun cas, je ne passerai des heures sur un ordinateur à faire des retouches. J’aime la Femme sublime devant moi à 3 mètres, pas sur un écran.

Quelle est la principale qualité que doit posséder un photographe portraitiste (au sens large du terme) ?

Savoir faire de la lumière et comprendre la personne qu’il met en lumière.

Combien de sources de lumières utilises-tu habituellement ? Pourquoi ?

C’est variable. En général 3 ou 4, puis 5. Je travaille comme au cinéma. Du moins j’éclaire comme au cinéma. Ca doit être magique. Il n’y a pas d’autres alternatives pour faire émerger le rêve.

L’industrie de la photo (et de la vidéo, et de la téléphonie) vend des appareils intelligents, qui choisissent les réglages, repèrent le sujet, composent les scènes tous seuls et sont toujours là dans tous nos moments tellement merveilleux… Alors, la technologie, un vrai plus ou une malédiction pour la créativité photographique ?

Une malédiction. Elle enlève tout imaginaire. Elle mâche tout à des pauvres prisonniers de la technologie.

L’Art n’est pas. Pire la photo est redevenue RIEN alors qu’elle a faillit devenir un Art majeur.

Quelle est ta dernière acquisition photographique (matériel, accessoire…) dont tu es le plus satisfait et pourquoi ?

Je n’en ai pas. Je ne suis pas super équipé. Je prends soin de mes projecteurs qui sont le sang de mes images. Sinon, un petit Hasselblad par-ci, par-là.

 

No Future, mais si, quand même un peu…


A quoi ca sert, l’art ?

L’art sert à donner des émotions. Sinon, ça ne sert à rien.

Quels sont tes projets actuels ?Tattoo

Je retravaille avec mon ami Renaud, nouvelle vie, nouvelles photos. C est beau de le revoir REvivre devant moi. Nous sommes deux clones identiques. Je le connais depuis 30 ans. Il est vrai et authentique. Euh…comme moi, je crois.

Quelle est ta principale source d’inspiration ?

La découverte de l’autre, les rencontres. Faire éclore une muse. Ce sont mes attentes, mes joies.

Quelle est la photo que tu as toujours voulu faire sans y arriver (pour l’instant du moins) ?

C’est difficile de dire cela, mais j’arrive toujours à mes fins. Je n’ai pas d’échec, je suis désolé.

« Je fais jusqu’à ce que, à la fin, il n y ait plus moyen de faire » (Mozart)

Si je n’ y arrive pas, il y a trop de frustration. Nous sommes fait comme cela les pauvres artistes que nous sommes. Et cela nous fait souffrir aussi. Mais c’est une bonne souffrance.

Quel conseil donnerais-tu à un jeune Christophe Mourthé qui souhaite se lancer dans la photo ?

Ne jamais chercher la facilité. C ‘est bon quand c’est dur. 

Et quand c’est bien éclairé.

Point barre.

 

Christophe Mourthé – Bibliographie


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